et si marie antoinette...

et si marie antoinette...

Et si Madame Mère avait su...

 

 

Voilà bien une question qui me taraude, et à laquelle je voudrais pouvoir répondre d'une traite : "oh, non, si Madame Mère avait pu prévoir vers quel destin horrible elle envoyait sa fille, elle ne l'aurait jamais fait !"

 

Pourtant... Pourtant, Maria Theresia était empereur autant qu'elle était mère. Elle aimait tendrement ses enfants, mais considérait son "poulailler" de filles comme son meilleur atout politique dans ses jeux d'alliances aux quatre coins de l'Europe. 

 

Lorsque Maria Josepha, l'archiduchesse qu'elle comptait marier avec Ferdinand de Naples, mourut de la petite vérole, elle en désigna une autre pour la remplacer, comme si ses filles étaient interchangeables.

 

Pire encore, la malheureuse enfant aurait été contaminée d'avoir dû obéir à sa mère, dit-on. En effet, très pieuse, Marie Thérèse n'a pas voulu qu'elle quitte Vienne sans s'être recueillie dans le caveau de sa belle-soeur récemment décédée de cette maladie...

 

 

 

 

Et que penser de cette laconique mention alors que le 10 décembre 1763 la petite Antonia était très mal ? L'Antoinette a des convulsions ; elle est sans connaissance depuis une heure, écrit sa mère. 

 

Point. Pas la moindre trace d'inquiétude. 

 

Voilà qui semble bien en contradiction avec les charmantes scènes familiales qu'affectionnait l'impératrice...

 

 



matin de  la Saint Nicolas, dessiné par Marie Christine

http://maria-antonia.justgoo.com/

 

 

C'est vrai, Marie Thérèse était une autocrate inflexible qui tenait ses états et régentait sa famille d'une main de maître.  Toujours vêtue de noir depuis la mort de son mari adoré, François Etienne, elle avait de quoi faire peur...

 

Et pourtant... Revenons aux faits: en réalité, Maria Josepha avait contracté la petite vérole avant de descendre dans le caveau. Marie Thérèse n'est donc pas responsable. Et, si l'impératrice consigne sans sourciller les crises de la petite Antoinette, sa lucidité ne l'empêche pas de l'aimer tendrement, comme en attestent ses lettres. Quand elle mourra, en 1780, la reine de France sera effondrée, car elle aura perdu une mère, mais aussi une amie et une précieuse conseillère dans la vie de tous les jours. 

 

Maria Theresia était ferme, dure parfois, elle envoyait ses filles vers des destinées politiques où leurs chances de bonheur n'avaient que peu de prix. Mais, si elle avait su à l'avance le sort atroce que la France réservait à sa cadette, je crois sincèrement qu'elle ne l'aurait jamais confiée au roi Louis XV.

 

Et pas seulement parce que, disent ses biographes, elle avait un faible pour cette petite dernière... aussi pour éviter qu'un pareil affront soit jamais infligé à son sang et à l'Autriche. Raisons du coeur et de l'état auraient fusionné dans la même répulsion, à mon avis.

 

 

 

Allee im Garten Schloss Schönbrunn

 http://www.panoramio.com/photo/24023820

 

 

Alors, laissons-nous aller à rêver... Nous sommes à Vienne, un matin de juin 1769. Maria Theresia marche dans une allée de Schönbrunn. Il fait beau et doux, mais l'impératrice ne le sent pas. Sa nuit a été agitée de cauchemars. Tous concernaient l'Antoinette.

 

Pourtant, l'heure devrait être à la fête, puisque Versailles vient enfin de faire sa demande officielle. Depuis le temps que Marie Thérèse attend ça !

 

Mais ce rêve...

 

L'impératrice est une femme pragmatique. Elle resserre son châle noir et presse le pas. Il faut répondre à la France au plus vite.

 

Un vent aigre s'est levé. Les arbres tanguent et s'inclinent, dévorant la lumière. Marie Thérèse lève les yeux vers une trouée dans le ciel. Une image de la nuit vient de lui revenir, confuse. Sa fille... sa fille les mains liées, dans une charrette...

 

C'est ridicule ! Il y a eu trop de fatigue, trop de soucis, ses nerfs sont ébranlés. Pourtant, ce n'est pas le moment de se laisser aller !

 

 

 

IMG_0915.JPG
http://www.chilexions.com/2012/07/martini-terrazza-opening.html


Même jour, début de soirée. La famille impériale se rend au Burgtheater. La foule salue l'équipage tout le long du chemin, mais Marie Thérèse ne le voit pas. Elle est préoccupée.

 

Au moment où elle descend de carrosse, une vieille femme se précipite vers elle. Les gardes, son fils, ses dames, tout le monde se presse pour intervenir, mais l'impératrice les arrête d'un geste.

 

La bohémienne lui prend la main. Mais elle ne regarde pas dedans, ce n'est pas nécessaire. Et Marie Thérèse n'a pas besoin de comprendre ce qu'elle lui dit dans une langue étrangère. Elle sait, elle aussi.

 

Demain, elle répondra aux Français que ce n'est pas possible, qu'Antoinette n'est pas prête. Elle trouvera toutes les excuses diplomatiques qu'il faudra, mais elle ne laissera pas sa fille partir dans ce pays.

 

Parce que, si elle conclut ce mariage, elle l'envoie à la mort. Elle ne sait pas comment ni pourquoi, mais elle l'a vu, elle l'a senti. Son instinct de mère le lui a dit.

 

La petite sera très déçue. Elle ne sera pas reine du plus beau royaume d'Europe. Mais tant pis. Marie Thérèse lui trouvera un autre établissement. 

 

Et elle ne lui dira rien, surtout. Jamais. 

 

 



07/02/2014
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