et si marie antoinette...

C'est une question que je me suis quelquefois posée. Marie Antoinette était-elle impressionnable, sujette aux pressentiments ? Le siècle, par tant d'aspects si rationnel, était également ouvert à l'irrationnel, comme l'atteste le succès de Saint Germain, Mesmer ou Cagliostro. 

Cagliostro alias Joseph Balsamo

http://jackiefox1976.wordpress.com/2014/03/12/cagliostro-and-the-affair-of-the-diamond-necklace/

Madame de Lamballe fut soignée par Mesmer. Jean Chalon se hâte de préciser que Marie Antoinette ne partagea pas cet engouement. Mais d'autres prétendent que la reine assista déguisée à une séance. On dit aussi qu'elle rencontra Saint Germain, qui lui fit d'atroces prophéties. Mais on raconte tant de choses...

Tournons-nous alors vers quelqu'un de sérieux! Madame Campan, la femme de chambre de la reine, voilà une source fiable. Que penser alors de l'anecdote qu'elle rapporte dans ses mémoires? La scène se passe en 1789, alors que la reine a déjà subi plusieurs deuils et revers.

Vers la fin de mai, un soir qu'elle était assise au milieu de la chambre, elle racontait plusieurs choses remarquables qui avaient eu lieu pendant le cours de la journée; quatre bougies étaient placées sur sa toilette; la première s'éteignit d'elle-même, je la rallumai: bientôt la seconde, puis la troisième, s'éteignirent aussi; alors la reine, me serrant la main avec un mouvement d'effroi, me dit : "Le malheur peut rendre superstitieuse; si cette quatrième bougie s'éteint comme les autres, rien ne pourra m'empêcher de regarder cela comme un sinistre présage..." La quatrième bougie s'éteignit.

la chambre de la reine au petit Trianon

Henriette Genêt glisse dans son récit une précaution oratoire. Le malheur peut rendre superstitieuse, met-elle dans la bouche de la reine. De même, elle ajoute une explication que, pour s'en tenir à la tension dramatique, on omet parfois. Je vous la livre:

On fit observer à la reine que les quatre bougies avaient probablement été coulées dans le même moule, et qu'un défaut à la mèche s'était naturellement trouvé au même endroit, puisque les bougies s'étaient éteintes dans l'ordre où on les avait allumées.

Voilà donc de quoi satisfaire notre esprit logique... mais pas notre curiosité initiale. Superstition, de la part de notre reine... ou pas? 

Je me le demande sérieusement... Il existe en effet un autre indice. On lit souvent que Marie Antoinette accueillit avec un frisson particulier la nouvelle de l'incarcération de la famille royale au temple. A maintes reprises auparavant, dit-on, elle aurait été saisie de sombres pressentiments devant cette haute tour et aurait demandé à Artois de la faire abattre. 

La tour du Temple vers 1795

http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tour_du_Temple_circa_1795_Ecole_Francaise_18th_century.jpg

Selon Jules Michelet, la reine était fort romanesque. Elle avait dit dès longtemps : "Nous ne serons jamais sauvés, que quand nous aurons été quelques mois dans une tour..."

Alors, impressionnable, Marie Antoinette? Hyper-sensible? Voire medium...?

Comment considérer en effet ce sentiment qu'elle avait et qu'elle répète dans ses lettres? Mais moi je vous porte à tous malheur, écrit-elle à Madame de Polignac. 

J'avoue que ça laisse songeur... 

Mais revenons à la réalité. Si Marie Antoinette n'était pas superstitieuse, en tout cas, les autres se sont chargés pour elle de recueillir des signes éparpillés sur son chemin.

Elle est née le 2 novembre, rappelle-t-on, le jour des morts, sombre présage. De plus, il y a eu le tremblement de terre de Lisbonne... Et ce pâté à sa signature, le jour de son mariage? Comment ne pas y voir une trace de mauvais augure? Et cette catastrophe qui arriva au bal... Et puis, vous diront les astrologues, ses planètes sont si mal aspectées!

Bien entendu, c'est plus facile de prédire des événements déjà passés... 

Bref, encore une question à laquelle je ne pourrais répondre catégoriquement. Pourtant, certains indices montrent, à mon avis, que Marie Antoinette était, à tout le moins, une nature sensible et impressionnable. Comme son amie Madame de Polignac qui, selon son cousin Vaudreuil, se frappait pour un rien.