et si marie antoinette...

et si marie antoinette...

Marie Antoinette sur scène



Dans son petit théâtre bâti pour une souveraine à l'échelle humaine, Marie Antoinette sera tour à tour actrice et spectatrice. Avec ses proches, elle formera la Troupe des Seigneurs, qui jouera des pièces à la mode à l'époque. 

Elle sera ainsi Colette dans Le Devin du Village de Jean Jacques Rousseau, elle se produira également dans des pièces de Sedaine, dont Grimm a consigné ses impressions dans son journal à la date du 20 octobre 1780 :

Les spectacles donnés ces jours passés dans la jolie salle de Trianon intéressent trop l'honneur... et la gloire de M. Sedaine pour ne pas nous permettre d'en conserver le souvenirs dans nos fastes littéraires. On n'a jamais vu, on ne verra sans doute jamais "Le Roi et le Fermier" ni "La Gageure imprévue" joués par de plus augustes acteurs, ni devant un auditoire plus imposant et mieux choisi. La reine, à qui aucune grâce n'est étrangère, et qui sait les adopter toutes sans perdre jamais celle qui lui est propre, jouait dans la première le rôle de Jenny, dans la seconde celui de la soubrette. Tous les autres rôles étaient remplis par des personnes de la société intime de leurs Majestés et la famille royale. M. le comte d'Artois a joué le rôle du valet dans la première pièce et celui d'un garde-chasse dans la seconde. C'est Caillot et Richer qui ont eu l'honneur de former cette illustre troupe. M. le comte de Vaudreuil, le meilleur acteur de société qu'il y ait peut-être à Paris, faisait le rôle de Richard; Mme la duchesse de Guiche (la fille de Mme la comtesse Jules de Polignac) dont Horace aurait bien pu dire "matre pulchra filia pulchrior" (une fille plus charmante encore que sa charmante mère) celui de la petite Betzi, la comtesse Diane de Polignac celui de la mère, le comte d'Adhémar celui du roi.
 
 
La vue que la reine devait avoir de son petit théâtre lorsqu'elle était sur les planches.
 
 
Si les mauvaises langues clament à la cantonnade que c'est royalement mal joué, on s'accorde à reconnaître que le niveau est estimable pour du théâtre d'amateurs, et même l'acariâtre Mercy ne trouve à ces divertissements pas grand chose à reprocher :

Depuis un mois, rapporte-t-il à son impératrice, toutes les occupations de la reine et tous ses amusements se sont concentrés dans le seul et unique objet de deux petits spectacles représentés sur le théâtre de Trianon. Le temps nécessaire à apprendre les rôles, celui qui a dû être employé à de fréquentes répétitions, joint à d'autres détails accessoires, a été plus que suffisant pour remplir les journées. Le roi, en assistant fort assidûment à tous ces apprêts, a donné preuve du goût qu'il prend à ce genre de dissipation... La reine a persisté dans la résolution de n'admettre d'autres spectateurs que les princes et les princesses de la famille royale, sans personne de leur suite. Je sais par les gens de service en sous-ordre, les seuls qui aient entrée au théâtre, que les représentations s'y sont faites avec beaucoup d'agrément, de grâce et de gaieté, et que le roi en marque une satisfaction qui se manifeste par des applaudissements continuels, particulièrement quand la reine exécute les morceaux de son rôle. 


                                                                                                                    fosse d'orchestre
 

Mais ces spectacles se font, comme le souligne Mercy, en comité restreint. C'est ainsi que la reine répond au duc de Fronsac, qui espérait en vain une invitation, mais d’ailleurs je vous ai déjà fait connaître mes volontés sur Trianon : je n’y tiens point de cour : j’y vis en particulière. Les exclus ne tardent pas à se plaindre et à répandre les pires rumeurs sur les activités du petit théâtre. 

Après la mort de Marie Thérèse, survenue le 29 novembre 1780, Marie Antoinette se retire et laisse la scène aux acteurs de la Comédie Française, de la Comédie Italienne et de l'Opéra. L’Iphigénie en Tauride de Gluck est montée en l’honneur de l’empereur Joseph II en 1781. En 1782, lors de la visite discrète du Tsarévitch, fils de Catherine II de Russie, on applaudira Zémyre et Azor de Grétry. 

En août 1785, Marie Antoinette remonte sur les planches pour interpréter une excellente Rosine, selon les témoins, dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais. Ce sera son dernier rôle.
 
 
Dans le petit théâtre que Marie Antoinette fit construire à Trianon, la scène elle-même est pourvue de tous les perfectionnements. Tout le monde s'accorde à en louer l'ingénierie. La machinerie, invisible pour le spectateur, est une merveille de précision. 
 
 
 
 
Ces roues permettent de faire descendre et remonter les grands pans de murs peints qui servent de décor.
 

Quant aux acteurs et à leur répertoire, voici ce que nous en dit l'auteur des mémoires dits de la comtesse d'Adhémar qui semble décidément bien documenté !  

On eût bientôt envie de jouer la comédie. Ce n'était plus l'époque où, dans la crainte de la favorite (la Dubarry), on se réduisait à jouer dans une armoire. Un charmant théâtre fut disposé au petit Trianon; des acteurs de la Comédie-Française et des Italiens vinrent aider les débutants de leurs avis. Je me rappelle d'un certain Martelly, homme de vrai mérite et très au-dessus de son état. On aimait à le voir; on le traitait bien, et néanmoins j'ai entendu dire qu'il s'est fait révolutionnaire.

On débuta, si je ne me trompe, par "La Gageure imprévue" et "Le Devin du village". La reine remplit dans la première pièce le rôle de "Gotte" et celui de "Colette" dans la seconde. La comtesse Diane "Madame de Clainville", Madame Elisabeth "Angélique" [...]. Le comte d'Artois "d'Etieulettes", le baron de Besenval "Lafleur", M. d'Adhémar "Colin"; et il s'acquitta à ravir de ce rôle, ayant encore une voix très fraîche et beaucoup d'aplomb! […]


(Remarquons au passage une divergence avec le témoignage de Madame Campan, qui rapporte à quel point la voix du comte d'Adhémar était chevrotante ! )
 
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Marie Antoinette en costume de théâtre, esquisse  faite dans le parc de Versailles par Elisabeth Vigée le Brun
 

Le roi, Monsieur, Madame, et madame la comtesse d'Artois composèrent d'abord tous les spectateurs; le roi sifflait sans façon, et l'on criait: «A bas la cabale, à la porte le malveillant» ; il en résultait des accès de gaieté, des éclats de rire interminables.

Je fus l'une des premières dames admises comme spectatrice attendu ma qualité de femme d'un acteur; je vis jouer "Le Barbier de Séville", "La Métromanie", "Rose et Colas", "Le Roi et le Fermier" […] La -troupe triompha dans "Les Plaideurs".

La reine avait la voix fausse, mais d'une rare intelligence; elle jouait avec le naturel d'une actrice consommée. Monsieur se montra froid, prétentieux, mais spirituel; M. le comte d'Artois, avec de l'étude, serait devenu un très bon acteur; malheureusement il ne savait jamais ses rôles. Cependant il mettait une grâce extrême à tout ce qu'il faisait, et on aimait à l'applaudir.

Après moi, on admit des dames du palais et autres, puis les officiers des gardes, ceux des princes, les écuyers du roi; enfin il y eut foule. "Il fut convenu, écrit Mme Campan, que pour animer un peu les acteurs, on ferait occuper les premières loges par les actrices, les femmes de la reine, leurs sœurs et leurs filles: cela composait une quarantaine de personnes. »] Dès lors tumulte, bravos, caquets: il fallut fermer le théâtre.


Les indications ici données sur la voix de Marie Antoinette corroborent celles de Madame Vigée Lebrun, qui constate qu'elle n'était pas toujours juste. Il faut bien se rendre à l'évidence, Marie Antoinette ne pouvait pas compter sur une voix à tout moment bien assurée. D'après les témoignages, on peut penser qu'elle était meilleure dans les parties jouées que dans les parties chantées.


03/01/2014
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